Historiquement, la question de la diversité a été abordée dans le monde de l’entreprise à travers celle des discriminations. À défaut de traiter la totalité des dérives, le corpus légal a permis de poser un cadre.

Pour autant, l’enjeu pour l’entreprise n’est pas seulement celui de l’absence de discriminations. Il s’agit aussi de capitaliser sur les différences de ceux qui la composent dans leur pluralité.

Pourquoi l’entreprise valorise-t-elle spontanément la ressemblance ? Dans cette entité qui prévoyait de s’implanter en Russie quelques années plus tard, le DRH a décidé de présenter pour les postes à pourvoir au siège des candidats d’origine russe. En procédant ainsi, il anticipait des mobilités utiles. Ces profils ont été rejetés par les managers, trouvant trop complexe de manager des personnes qui culturellement ne leur ressemblaient pas. Cet exemple l’illustre : privilégier la ressemblance est une facilité, un conformisme et une paresse de l’esprit.

Ce qu’apportent les différences

Le principe de symétrie des attentions s’est peu à peu popularisé. Il souligne que la qualité de la relation entre une organisation et ses clients est symétrique de la qualité de la relation de cette organisation avec ceux qui y travaillent. McDo France a ainsi considérablement consolidé son ancrage local lorsque cette entreprise a transformé son approche employeur, en recrutant, développant et faisant évoluer les profils issus de ses zones de chalandise. A contrario, la culture très masculine de Décathlon ainsi que la faible mixité des postes à responsabilité a pu constituer un frein à son développement commercial. La construction de « fausses hiérarchies » dans l’entreprise conduit à les reproduire dans l’interface client.

Arrêtons-nous ensuite sur l’enrichissement que permet la complémentarité. Le principe est simple : l’expression de contenus différents, construits à partir d’identités propres, permet d’élargir la réflexion, avant la décision et le passage à l’action. C’est l’altérité qui alimente et enrichit le processus d’élaboration. L’utilisation d’un outil comme le MBTI avec des équipes de direction illustre bien ce phénomène.

La créativité, source d’innovation, est aussi directement impactée par les différences. De nombreux travaux ont ainsi souligné que l’innovation passait souvent par les profils dits « déviants » par rapport à la majorité. Ils contribuent à ce que le collectif sorte du cadre. « Si tu diffères de moi… loin de me léser, tu m’enrichis. » écrivait St-Exupéry. Tout manager doit être vigilant à ce que ses collaborateurs dans leur diversité puissent s’exprimer et soient pris en compte. Galilée n’a pas été entendu quand il affirmait que la terre était ronde. Qui voudrait être le manager de Galilée ?

Aussi longtemps que le besoin organisationnel premier de l’entreprise a été l’alignement dans l’exécution, le management des différences introduisait de la complexité. Le « Je ne veux voir qu’une tête » du taylorisme s’accommodait mal de la diversité. Mais les transformations de l’environnement de l’entreprise lui imposent de changer de modèle organisationnel et culturel. L’autonomie et la coopération désormais requises, de même que le développement des travailleurs du savoir, font que les différences et leur management sont désormais le premier atout de l’entreprise.

Comment manager ces différences ?

Pour capitaliser sur les différences, l’entreprise pourra centrer son action sur quatre axes :

1. Dépasser les stéréotypes

Que nous ne le voulions ou non, chacun de nous a intégré un certain nombre de stéréotypes. Ceux-ci constituent en quelque sorte des « raccourcis » dans le raisonnement qui ont pour effet de nous faire gagner du temps. Là où le stéréotype pose problème, c’est soit quand la catégorisation est basée sur des éléments inexacts, soit quand elle procède d’une généralisation abusive. Le discours générationnel constitue depuis quelques années un modèle du genre au regard des caricatures qu’il véhicule.

La responsabilité de l’entreprise et de ses managers est de ne laisser passer aucun écart et donc de systématiquement faire expliciter les stéréotypes lorsqu’ils sont exprimés. Il s’agit d’aider à la prise de conscience, notamment par le questionnement. Décoder ces stéréotypes permettra d’éviter qu’ils ne soient utilisés à charge.

L’entreprise peut aller plus loin en formant ses managers à certains des stéréotypes, comme le font par exemple certains groupes sur le sexisme ou l’homophobie. Au bout du compte, elle doit toujours en revenir à un principe de base du management : ce qui importe, c’est ce que le salarié fait, pas ce qu’il est.

2. Partager le cadre qui s’impose à tous

Quelles que soient son identité et ses particularités, chacun dans l’entreprise s’inscrit dans un cadre commun. C’est au sein de ce cadre que devront converger les individus. Il peut être constitué pour partie du projet de l’entreprise, notamment de sa raison d’être. Interviennent également les règles du jeu à respecter du fait des obligations qui s’imposent à l’entreprise. Des sécurités peuvent là être mises en place. Pour ne prendre qu’un exemple, vérifier qu’il y a bien équité lors des révisions individuelles de rémunération en les agrégeant selon le genre ou selon le fait d’avoir un mandat peut aider.

3. Mettre en place des régulations

De nombreuses études ont démontré qu’un groupe homogène est plus efficace qu’un groupe hétérogène. Sauf, et c’est là qu’est l’essentiel, si ont été mises en place au sein de ce second groupe les régulations permettant à ses membres d’interagir qualitativement. Ce sont ces régulations qui vont permettre de capitaliser sur les différences.

Elles relèvent de l’écoute et de l’effort d’empathie nécessaires pour comprendre d’autres logiques et approches que la sienne, mais aussi du processus de décision adopté par l’entreprise. Celui-ci peut par exemple distinguer une phase de divergence, permettant d’ouvrir les choix, d’une phase de convergence, permettant de faire les choix.

4. Aller jusqu’à l’individu

La question des différences est souvent abordée dans l’entreprise à travers différents critères de catégorisation : le sexe, l’âge, etc. Mais chaque individu est le produit de multiples facteurs qui construisent son identité. Il ne se réduit pas à ces critères. De même, la diversité des expériences de vie est de plus en plus forte.

Capitaliser sur les différences suppose donc d’aller jusqu’à la personne, ses logiques, ses moteurs, dont chacun sait qu’ils sont évolutifs, notamment en fonction des périodes de la vie. Là aussi, les modes d’interaction encouragés par l’entreprise seront décisifs, qu’ils conduisent soit à créer des passerelles, soit à bâtir des murs.

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RH info | Gilles Verrier, Directeur Général de Identité RH

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