L’empowerment, une évolution de l’engagement ?

Résultats et interprétation de l'enquête RH info : voir infographie à la fin de cet article

La notion d'engagement est au cœur de nombre d'études. Tantôt remis en cause, tantôt réaffirmé, l'engagement ne semble plus, en tous cas, aller de soi. Nulle entreprise, néanmoins, ne peut être performante si les femmes et les hommes qui y travaillent sont désengagés. En fait, il s’agit d’abord un problème de définition : si on parle de l’investissement maximal de chacun comme exécutant sans états d’âme les ordres de la hiérarchie dans un sacerdoce dédié à leur unique entreprise, alors peu de salariés se déclareront aujourd’hui « engagés ». On les comprend.

Aussi est-ce la nature et le contenu de l'engagement qui est peut-être en train d'évoluer, sous le nom d'empowerment : il consiste en ce que tous les acteurs de l’entreprise sachent et puissent œuvrer pour que la collaboration, la force du collectif, confère à chacun un pouvoir d’initiative, une capacité d’action et de développement de ses potentiels. Ce pouvoir « individuel » est fondé sur le triptyque confiance – autonomie – responsabilité. Ce pouvoir, dans sa nature, se déploie donc au service du collectif ; du développement d’une communauté autour d’un bien commun. L'empowerment serait donc en passe de devenir “le bon sens de l'engagement”.

Les résultats de l’enquête RH info sur le sujet sont à cet égard très éloquents, et nous sommes heureux d’en tirer avec vous quelques leçons principales ! 387 professionnels ont répondu à notre sollicitation, issus notamment : pour 48,6 % du secteur RH ; 8,5 % des Directions Générales ; 8,3 % des secteurs Commercial et Opération. Et si les grandes entreprises (plus de 1000 salariés) représentent 37,5 % des répondants, on en trouve 27,4 % dans les PME-PMI (de 50 à 499 salariés) et 16,3 % dans les TPE (moins de 20 salariés).

Des salariés majoritairement engagés…

Sous l’angle d’attaque de l’empowerment, puisque telle était l’introduction de l’enquête, 58,4 % de répondants se déclarent « pleinement engagés dans leur entreprise », et 26,6 % « engagés sans plus ». Ce qui signifie que seuls 15 % ne sont « pas vraiment » ou « pas du tout » engagés. Quand on définit bien ce dont on parle, on est loin des résultats pessimistes de certaines études.

… qui sont en demande à la fois de reconnaissance personnelle et de projet d’entreprise fort

Lorsqu’on leur demande ce qu’ils attendent pour « être (encore) plus engagés », on obtient deux axes forts :

Le premier axe est un besoin de reconnaissance : 27,1 % souhaitent être « plus valorisés dans leur rôle » et 19,1 % « être mieux reconnus financièrement ». A noter que la rémunération vient après l’intérêt pour leur rôle, ce qui dit déjà quelque chose sur le sens de leur engagement.

Le second axe est un besoin de projet : 24,5 % voudraient « mieux comprendre la stratégie de l’entreprise » et 21,2 % « pouvoir vraiment s’identifier aux missions et valeurs de l’entreprise ».

Cela reflète bien les deux dimensions de l’empowerment : la valorisation d’un pouvoir d’initiative individuel responsable, au service d’un bien commun que chacun et tous peuvent s’approprier.

Qui plus est, ils aiment leur travail…

72,6 % des répondants déclarent « aimer vraiment leur travail » et 23,8 % « l’aiment, sans plus ». Si bien qu’ils ne sont que 3,6 % à « ne pas vraiment l’aimer ». C’est tout de même assez encourageant pour une dynamique de développement RH positive !

…et sont en forte attente de collaboration

Lorsqu’on leur demande ce qu’ils attendent pour que leur travail s’exerce encore mieux, là encore deux axes forts se dégagent :

Le premier axe est une attente directe de collaborationet decoopération : 51,9 % des répondants désirent « un collectif de travail plus fort ». A noter que dans une de nos précédentes études, sur les tendances d’évolution du travail, la même proportion définissait sous les mêmes termes l’objet de la Qualité de Vie au Travail (QVT) : « restaurer la force du collectif et le plaisir de travailler ensemble ». Instructif, non ?

Le second axe est un besoin de managementplus performant : 17,1 % attendent qu’on leur octroie « plus de pouvoir d’initiative » et 14,5 % que leur hiérarchie leur manifeste « plus de confiance ».

Seuls 16,5 % voient l’amélioration de leur travail au travers d’un « meilleur environnement ». Ce qui acte une fois de plus, pour les salariés aujourd’hui, le déplacement de la notion de QVT des conditions extérieures du travail… au travail lui-même dans son exercice.

L’empowerment apporte de la modernité à l’engagement…

Si 16,8 % pensent que la notion d’empowerment est « un pur phénomène de mode », et 9,6 % que l’engagement au sens traditionnel est « périmé », 40,6 % des répondants jugent que l’empowerment est apparu pour qualifier une nouvelle forme d’engagement parce que « les évolutions sociétales et technologiques changent notre rapport au travail » et dans la même ligne 33,1 % estiment qu’aujourd’hui « les personnes ont davantage besoin de s’accomplir dans leur travail ».

Il semble donc bien que ce soit une évolution de fond plus que de dénomination. Ce n’est pas juste une question de vocabulaire : l’évolution sémantique révèle et traduit un rapport différent au travail et à l’entreprise.

…et au final on ne parle pas de la même chose

Ainsi n’y a -t-il que 17,3 % des répondants qui pensent que “engagement” et “empowerment” « correspondent exactement à la même réalité sous deux noms différents ». Pour 32, 8 %, l’empowerment c’est « l’engagement qui devient plus intelligent » et pour 30,2 %, il renvoie à un « besoin de plus de collectif que l’engagement ». Pour 19,6 %, il y a dans l’empowerment « moins de poids de la subordination ».

C’est tout le système néo-taylorien qui est remis en cause, comme le « command and control » et toutes les formes de gestion par le stress et d’individualisation de la pression.

Le maitre mot de l’empowerment : « Confiance-Autonomie-Responsabilité ».

Tel est le maitre mot choisi par 58,1 % des répondants. Suit immédiatement, pour 23,3 % : « mettre les efforts de chacun au service du bien commun » ; puis pour 15 % « libérer le pouvoir d’initiative ».

Autrement dit l’engagement – version empowerment – n’est plus la force et l’intensité d’une subordination qui se mesure à la capacité à faire sans cesse des efforts et à s’investir pour l’entreprise en sacrifiant de sa personne dans des tâches contraintes… mais bien plutôt le déploiement d’une force individuelle et collective qui s’approprie un projet d’entreprise pour le porter avec plaisir vers le meilleur, collaborant et coopérant pour accomplir l’ensemble les tâches utiles au projet. Si l’on y réfléchit bien, c’est une vraie révolution copernicienne : il ne s’agit plus de demander aux hommes et aux femmes d’être au cœur de l’entreprise, mais de mettre l’entreprise dans le cœur des hommes et des femmes qui y travaillent.

Manager et collaborateur dans le même sens

Les deux dernières questions de l’enquête invitaient les répondants à qualifier le rôle privilégié du manager et celui du collaborateur.

- Comme manager, 65,6 % amélioreraient leur équipe en « créant les conditions d’un vrai collectif de travail », et 25,6 % en « rendant chacun de ses membres plus autonome ». Seuls 7 % mettraient la priorité sur le fait de « se donner des défis à surmonter » et 1,8 % en « exigeant davantage de chacun des membres de l’équipe ».

- Comme collaborateur, 48,3 % serviraient mieux leur équipe « en permettant à chacun de donner toute sa mesure », et 32 % en « étant force d’initiative entrainant les autres ». Seuls 11,4 % pensent qu’il faut « donner sans cesse le meilleur de soi-même » et 8,3 % se contenter de « satisfaire les objectifs qui vous ont été confiés ».

C’est clair : on ne parle plus du même engagement qu’avant. La création de sens et de valeurs suscitée par l’empowerment contribue à la restauration d’un lien plus fort entre l’entreprise et ses salariés et conduit toute l’entreprise et ses membres à se penser autrement.

Le bon sens est souvent le retour à l’intelligence ; l’empowerment est bien le bon sens de l’engagement.

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