Les responsables d’entreprise savent qu’on ne peut pas obtenir une croissance durable sans vision à long terme des ressources humaines. En langage RH, on souligne volontiers cela au travers de la notion de « capital humain ». Cependant, les spécialistes en HCM ne partagent pas une seule et même définition de ce concept en vogue. Une ambiguïté qui complique l'émergence et le partage des meilleures pratiques en gestion du capital humain. Alors, qu’est-ce que le capital humain, et comment orienter votre politique RH à ce sujet ?
De la théorie du capital humain aux pratiques des entreprises
La notion de capital humain n’est pas récente ! Elle fut inaugurée vers le milieu des années 60 par Gary Becker. La théorie du capital humain de Becker définit cette notion comme « un stock de ressources productives incorporées aux individus eux-mêmes, constitué d'éléments aussi divers que le niveau d'éducation, de formation et d'expérience professionnelle, l'état de santé ou la connaissance du système économique »1.
De nos jours, cette définition plutôt productiviste n’est pas la plus partagée par les directions RH. Certes, la théorie du capital humain de Becker permet d'appréhender l’apport des effectifs d’une entreprise à travers la notion de création de valeur. Cette définition du capital humain met aussi en avant les compétences diverses détenues par les employés, que l’entreprise utilise pour développer ses activités.
Cependant, les responsables des ressources humaines adoptent désormais une vision plus large de la gestion du capital humain. Leur approche se recentre sur des valeurs et des enjeux plus contemporains. Par exemple, la qualité de l’expérience de travail des employés est envisagée comme un facteur de croissance. La personnalisation des relations RH est prise en compte pour accompagner individuellement les collaborateurs.
S’accorder sur une même définition
Sans définition rigoureuse, il est cependant difficile de mettre en place une politique de gestion du capital humain cohérente. Un flou certain peut s’emparer des visages et des esprits à l’énoncé de cette notion devenue passe-partout qu’est le capital humain. Elle rassure les décideurs par les échos financiers du terme « capital », tandis que l’adjonction du terme « humain » inspire les communicants.
Mais pour répondre efficacement aux nombreux défis économiques et sociétaux de demain, partager au sein de la direction RH une définition du capital humain claire et rigoureuse peut aider l’entreprise à agir efficacement et à long terme. J’ai tenté de rassembler les définitions et exemples de capital humain que j’ai pu recueillir, ici ou là :
- La symbiose des savoirs (savoir, savoir-être, savoir-faire) – et leurs évolutions maîtrisables – dont sont dépositaires les acteurs économiques humains. On est presque dans du Knowledge Management.
- Le capital humain est un concept de l'économie visant à rendre compte des conséquences économiques de l'accumulation de connaissances et d'aptitudes par un individu ou une société. Il comprend donc non seulement le savoir, l'expérience et les talents (capital-savoir), mais aussi sa santé physique ou sa résistance aux maladies. C’est la définition la plus proche de celle de Becker.
- L’ensemble des capacités, connaissances et compétences qu’une personne acquiert au cours de la vie par l’entremise de l’éducation et de la formation et qui améliore sa productivité sur le marché du travail ainsi que dans ses autres activités. Notion strictement individuelle, donc.
- La force collective des ressources humaines disponibles dans l’organisation. C’est finalement le bon vieux moyen de production.
- La dette de l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs, dont elle ne fait que louer les connaissances, savoirs et savoir-faire. C’est un passif de l’entreprise. C’est probablement l’approche la plus originale… et la plus juste sur le fond.
Au milieu de tous ces exemples de capital humain, on ne sait plus très bien de quoi l’on parle. S’agit-il des personnes elles-mêmes, dans leur humanité ? Est-ce que ce sont les effectifs ? Faut-il retenir la notion de pertinence des effectifs, en termes de compétence ? Est-ce que cela désigne un potentiel à développer, comme on placerait un « capital » ? Et surtout, quelles pratiques de gestion du capital humain implémenter autour de notions aussi divergentes ?
Alors, qu’est-ce que le capital humain ? Je propose de trancher, en jouant sur le sens du mot « capital » : ce qui se trouve « en tête », ce qui est « le plus important » et qui constitue « une richesse destinée à produire un revenu ou de nouveaux biens »2. En définitive, derrière la définition de capital humain, c’est bien la notion de « potentiel » qui me semble dominante sous ces différentes acceptions.
Le capital humain comme potentiel de développement
Alors, en quoi les ressources humaines constituent-elles un tel « capital » ? Non d’abord comme force de production : on peut imaginer un futur sans usines, ou du moins sans humains. Mais comme force de sens et d’intelligence, comme force de renouvellement. Autrement dit, le capital humain ne représente pas d’abord un potentiel d’exécution – celui des esclaves ou des machines – mais un potentiel de développement. Je propose donc de définir le capital humain comme « potentiel de développement ».
Cette approche place l’humain au cœur des enjeux de croissance de l’entreprise, cette dernière s’appuyant sur ses collaborateurs pour comprendre, créer et innover dans un monde toujours plus complexe. Elle oriente aussi les fonctions RH vers les talents qui seront nécessaires pour y parvenir. Imagination, sensibilité, créativité, partage : la définition du capital humain dans nos sociétés modernes est loin de se départir de son pendant humaniste.
1) Source : Encyclopédia Universalis
2) Dictionnaire Robert
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