« On rejoint une entreprise, on quitte un manager. » La mauvaise qualité de la relation avec le manager serait la première cause de démission. Souvent reprise, cette affirmation est confirmée par les exit interviews réalisées par certains groupes. Mais elle appelle l’analyse.

Les départs générés par des pratiques managériales défaillantes sont assurément nombreux. Mais qui en porte la responsabilité ? Le manager uniquement ? Ou bien l’entreprise également, qui n’a pas fait le nécessaire pour que ces pratiques soient de meilleure qualité ?

Les diagnostics menés en amont des projets de transformation managériale mettent souvent en évidence que la qualité des pratiques est très variable au sein d’une même organisation selon le manager. Mais à partir du moment où l’entreprise confie des collaborateurs à un manager, peut-elle se contenter d’espérer que les pratiques de celui-ci généreront spontanément la dynamique attendue ? Ou n’a-t-elle pas la responsabilité première de mener une approche proactive pour harmoniser la qualité de ces pratiques ?

Dans l’accompagnement de projets sur cet enjeu dans des secteurs et contextes très différents, il est possible d’identifier 7 facteurs clés de succès :

  1. Les pratiques ciblées doivent être formalisées

Trop souvent, l’entreprise se contente de généralités et de lieux communs : « Le manager doit être à l’écoute, disponible, exigeant mais bienveillant, etc. » Comment voulez-vous que la réalité se transforme si le manager ne dispose pas de repères clairs et concrets ? Ceux-ci doivent renvoyer aux différentes situations que chaque manager peut rencontrer dans son quotidien et le nourrir quant à ce qui est attendu de lui.

À défaut d’avoir précisé ses attentes, l’entreprise ne pourra reprocher aux managers de ne pas être au rendez-vous. Elle leur doit de formaliser une « cible managériale », un « référentiel de management » ou une « charte managériale », peu importe le vocable retenu.

  1. L’articulation avec la stratégie est cruciale

Lorsqu’une entreprise veut définir les pratiques à cibler, la question à se poser est la suivante : « De quelles pratiques de management avons-nous besoin pour mettre en œuvre notre projet stratégique ? » Pour être utiles, les pratiques de management doivent être contingentes à la stratégie.

L’exercice de déclinaison de la proposition de valeur client de l’entreprise, de son business model et de ses priorités stratégiques n’est pas toujours simple et nécessite un savoir-faire particulier. Mais il donnera tout son sens et tout son impact au projet managérial.

  1. La cible doit nourrir un nouveau modèle

Pour répondre aux enjeux de massification des activités, un modèle organisationnel et culturel a dominé dans les entreprises durant un siècle. Il visait un objectif : obtenir l’alignement de tous dans l’exécution. Il appelait un mode de management descendant et infantilisant, de type « command & control ».

Les enjeux business ne sont plus les mêmes. La rareté du client requiert de l’agilité et de l’adaptabilité de la part de l’entreprise. Ce qui suppose de développer les marges de manœuvre de chacun pour qu’il soit capable de faire preuve d’intelligence des situations. Ce qui se joue dans la période contemporaine, c’est l’émergence d’un modèle basé sur le développement de l’autonomie du collaborateur par le manager, sur une base de confiance. Les projets de transformation managériale doivent embarquer cette mutation.

  1. Chaque manager doit réaliser son « état des lieux »

Une fois la cible définie, chaque manager doit disposer d’éléments objectivés sur ses pratiques actuelles : quelles sont les compétences managériales ciblées par l’entreprise qu’il doit développer, celles qu’il maîtrise, voire celles sur lesquelles il est déjà en exemplarité ? Cet état des lieux lui permettra de connaître ses priorités de développement et ses points d’appui.

Plusieurs approches sont possibles : auto-positionnement, évaluation par le n+1, 360°, assessment, etc. Chacune a ses avantages et ses limites. Un seul impératif : l’exercice doit être réalisé à partir des situations observables du référentiel, puisque la pratique effective doit être évaluée par rapport à la cible.

  1. Le plan de développement doit être individualisé

Le temps de chacun est précieux, les moyens limités. Des organisations continuent pourtant à former tous leurs managers de façon indifférenciée sur l’ensemble des compétences managériales, quelles que soient celles que chacun maîtrise et celles sur lesquelles il a un besoin.

Avoir positionné chaque manager par rapport à la cible permettra à la DRH de lui faire bénéficier des actions de développement répondant spécifiquement à son besoin. Dans la construction de ces actions sur chacune des compétences à développer, elle aura pu s’appuyer sur les managers en exemplarité dans ce domaine.

  1. La performance managériale doit être animée

Nous le savons tous : le manager qui considère qu’il a un métier opérationnel avec en addition une responsabilité managériale n’a pas compris que c’est parce que ses collaborateurs auront atteint leurs objectifs grâce à son management qu’il atteindra les siens. Ces deux dimensions de son activité ne sont pas dissociables.

Dans la même logique, l’entreprise se doit de suivre, d’animer et d’évaluer la performance managériale de ceux à qui elle a confié une équipe : en agissant pour qu’une partie des objectifs individuels de chaque manager relève de ce champ de responsabilité ; en veillant à développer les feedbacks reçus par chaque manager sur sa pratique ; en réalisant le cas échéant des « audits de management » centrés sur l’amélioration des pratiques. Et en garantissant que chaque manager dispose des moyens requis pour améliorer sa performance managériale.

  1. Les politiques RH doivent être alignées sur la cible

Sur quels critères recruter un manager ? Ou promouvoir un collaborateur sur une fonction de management ? Comment valoriser la qualité de la pratique managériale ? Comment l’intégrer dans les choix en matière de parcours dans l’entreprise ? Quelle place donner aux enjeux managériaux dans la politique de développement des compétences ?

Pour produire la mutation attendue, la cohérence des différentes politiques RH sera essentielle. Il va donc s’agir de les revisiter au regard de cet enjeu en adoptant une approche systémique.

Les progrès réalisés en matière de management peuvent être mesurés. Une entreprise du secteur bancaire a ainsi réalisé deux vagues de 360, l’une en amont de la phase de développement, l’autre dix-huit mois après. Mesurée sur une échelle de 0 à 10, la qualité des pratiques avait progressé de 1,7 points en moyenne. C’est bien la preuve que l’entreprise a la main pour impacter fortement la qualité de ces pratiques.

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